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Comment l’Arabie Saoudite est en train de devenir la capitale mondiale de l’esport

“Nous répondons aux ambitions de la communauté des joueurs en Arabie Saoudite et dans le monde entier, […] afin de faire de l’Arabie Saoudite la plaque tournante mondiale de ce secteur d’ici à 2030″” Mohammed ben Salman (Source)

Après des investissements importants dans le monde du football, l’Arabie Saoudite s’attaque au marché de l’esport. Au-delà de l’enjeu économique, les enjeux de Soft Power pour le pays sont importants. 

Pour rappel, le soft power est défini comme tel : “Pour exercer une influence sur les relations internationales, les États peuvent utiliser la force mais aussi des stratégies d’influence désignées couramment par l’expression soft power” – (Source) 

Dans une stratégie globale de développement du pays, Mohammed ben Salman (MBS), prince héritier de l’Arabie Saoudite, a décidé de faire de l’esport et du jeu vidéo l’un de ses fers de lance. L’objectif est de créer 39 000 emplois et 30 jeux de calibre mondial d’ici 2030.

L’Arabie Saoudite est bien consciente de l’immense pouvoir d’influence du jeu vidéo et potentiellement de l’esport dans les années à venir. Cette stratégie pourrait permettre au pays de rajeunir son image et son attractivité aux yeux du monde.

Vision 2030 : Diversification et innovation

Avec le lancement de Vision 2030, l’Arabie Saoudite se lance dans une ambitieuse odyssée de transformation, visant à redéfinir son avenir économique et social loin de sa dépendance historique au pétrole.

En effet, les revenus pétroliers du royaume représentent 90% de ses recettes. Le prince a très bien compris les enjeux de diversification pour son pays. Le plan vise à transformer l’Arabie Saoudite en un géant mondial dans le domaine du tourisme et des énergies renouvelables.

Ces transformations nécessitent également une modification de l’image du pays sur le plan international. Les investissements dans le secteur du sport, du jeu vidéo et de l’esport répondent à ses enjeux. L’ambition est grande puisque le prince affirme vouloir faire du royaume le plus important centre pour le gaming et l’esport du monde. 

En vitrine, la ville de Qiddiya a pour objectif de devenir une destination touristique majeure à l’international. Nommée la ville de l’entertainment, la ville du divertissement, elle abritera des centres artistiques, des terrains de festival, un stade sportif, des magasins, des restaurants, un circuit de course automobile, un terrain de golf et un centre esport & gaming. 

Passons maintenant au sujet qui vous intéresse l’esport : 

Le Flop de 2020 dans l’esport 

L’été 2020 a marqué l’une des premières tentatives d’entrée de l’Arabie Saoudite dans l’esport avec le sponsoring de la LEC par le projet phare Neom.

Neom est le projet de mégalopole futuriste, s’étendant sur 170 km. Vous avez sûrement déjà entendu parler du projet The Line, le projet phare de Neom. Durant mes recherches, j’ai pu découvrir les projets de ville industrielle avec Oxagon et de Trojena pour une destination montagne. Les images sont impressionnantes.

Vous n’avez jamais vu Neom en LEC ? C’est normal. Le sponsoring a été avorté.


La raison ? Dès l’annonce le 29 juillet, les réactions de la communauté ont été nombreuses. De nombreuses personnes s’indignent de ce partenariat, ne correspondant pas aux valeurs de la ligue. Les commentateurs ont suivi le mouvement et ont refusé de prendre l’antenne. 

Dès le 30 juillet, Alberto Guerrero, directeur de l’esport Riot Games, annonce que ce partenariat était une erreur et met fin au partenariat à effet immédiat. Un échec cuisant pour l’Arabie Saoudite, Neom aura été partenaire de la LEC pendant moins de 24 heures. 

Cet événement marque un tournant dans la stratégie esportive du royaume. 

Le fond public saoudien PIF & le Savvy Games Group 

PIF, le fond public d’investissement d’Arabie Saoudite, est le fonds souverain du royaume. Existant depuis 1971, il a pour mission de développer l’économie nationale saoudienne. Depuis 2014, le fonds a le droit de pouvoir ouvrir son portefeuille à l’international sans accord préalable du conseil. Jusqu’en 2017, 90% des investissements se faisaient au sein du royaume. L’objectif de Vision 2030 a ouvert les vannes aux projets internationaux avec comme ligne de mire les 2 000 milliards de dollars d’actifs. 

Le PIF est à l’origine du Savvy Games Group. Créée en fin d’année 2021, l’entreprise a pour mission de stimuler la croissance et le développement à long terme de l’esport et de l’industrie des jeux à l’échelle mondiale. Le fonds souverain a injecté 38 milliards de dollars dans le groupe pour atteindre les objectifs. 

Ils sont convaincus que l’esport et le jeu vidéo sont d’excellents outils de développement.
“Nous croyons que les jeux et les esports deviennent rapidement des facilitateurs clés pour un meilleur divertissement, une meilleure santé et une meilleure éducation.“ (Source)

Voyons maintenant quels sont les investissements faits par l’Arabie Saoudite par le biais de PIF et du Savvy Games Group. 

Le rachat d’ESL et Faceit

Dès janvier 2022, le Savvy Games Group rachète ESL Faceit Group, la fusion des deux organisateurs de compétitions historiques : ESL et Faceit. Il est assuré que cette fusion devait être un prérequis pour les investisseurs pour le rachat. Le groupe a été racheté pour 1,5 milliard de dollars (1 milliard pour ESL et 500 millions pour FaceIt) ; une somme astronomique au vu de la baisse d’activités des entreprises sur les dernières années. 

L’annonce a naturellement suscité de nombreuses inquiétudes auprès de la communauté. Tout comme lors de l’annonce du sponsoring de la LEC, la communauté a eu ses inquiétudes. Toutefois, dans le cadre d’un rachat, il est impossible de revenir en arrière.

Cet investissement a été le premier tournant majeur dans l’histoire du marché de l’esport. Mais le groupe a su rassurer par sa communication en laissant les équipes de direction en place et en affichant clairement ses intentions de vouloir développer l’esport mondial pour stabiliser et faire croître le marché. 

L’Esport World Cup – La Coupe du Monde d’Esport (ex Gamers8) 

L’été 2022 et 2023 a été marqué par l’arrivée d’une nouvelle compétition majeure sur la scène esport : Le Gamers 8. La compétition avait pour but de devenir La Coupe du Monde d’esport. Le cashprize était à la hauteur des ambitions de 13 millions de dollars la première année puis 33,5 millions de dollars la seconde année ! Le Gamers8 est organisé par la Saudi Esports Fédération, la fédération saoudienne d’esport et est financé par le PIF.

Pour l’année 2024, les ambitions deviennent réalité avec le rachat des propriétés intellectuelles de Coupe du Monde d’esport. Ces marques étaient détenues par Webedia qui avait racheté précédemment l’ESWC à Oxent créé et détenu par Matthieu Dallon.

Le co-fondateur originel déclarait sur Linkedin :
Un 3e chapitre s’ouvre aujourd’hui pour la Coupe du Monde, avec une ambition et des moyens exceptionnels; (…)L’Esports World Cup sera portée et animée par une Fondation financée par le Royaume, et n’aura donc pas les mêmes contraintes que les autres entreprises du secteur de l’Esports. Cette chance lui donnera la possibilité de voir très loin dans le temps, et la responsabilité de redistribuer un maximum de valeur, de droits, et d’argent, aux différents clubs, joueurs, éditeurs de jeux et partenaires de l’ensemble des opérations(Source)

Grâce à ce rachat, l’Arabie Saoudite obtient un avantage de branding immense pour les décennies à venir dans l’esport. 

Pour cet été 2024, les organisateurs ont déjà annoncé un cashprize de 45 millions de dollars ! Pour l’instant les jeux dévoilés sont : Mobile Legends, Counter Strike 2, Starcraft 2, Dota 2 et Honor of Kings.

Il y a d’importantes rumeurs concernant la présence de League Of Legends à l’événement. Un accord aurait été trouvé entre Riot Games et l’Arabie Saoudite pour accueillir le jeu. Dans un email qui a fuité, l’éditeur aurait demandé à chaque ligue majeure de laisser libre la première semaine de juillet, laissant la possibilité à deux équipes par ligue de participer au tournoi en question. Cela serait une immense annonce car ce serait la première fois depuis 2017  que des équipes internationales puissent participer à un tournoi non-organisé par l’éditeur. Il sera intéressant de suivre les réactions de la communauté, si cette annonce s’officialise. (Source)

Une autre rumeur, plus récente, vient du côté de Blizzard. En effet, l’éditeur a récemment annoncé confier la gestion de ses scènes esportives pour Overwatch 2 et Call Of Duty à Face It ! Il serait alors évident qu’in fine les jeux soient incorporés à l’Esport World Cup pour que l’ensemble de l’écosystème que le royaume est en train de créer en bénéficie.

Programme affiliée pour soutenir les clubs majeurs

Lié à la compétition, les organisateurs ont annoncé l’évolution de leur programme d’affiliation destiné aux clubs majeurs participant à l’Esport World Cup. Ce programme a pour but d’aider d’avantages les clubs esports à se développer et pérenniser leurs activités.

22 clubs seront invités et 6 clubs seront sélectionnés sur candidature. Les clubs sélectionnés seront éligibles à un paiement annuel à six chiffres (montant déterminé en fonction des performances de l’équipe lors de l’EWC) pour soutenir leurs opérations existantes et leur entrée dans de nouveaux titres compétitifs au sein de la Coupe du monde d’esports.

Les clubs, qui pourront maximiser leur participation à l’EWC, se disputeront des points en fonction de leur classement dans chacun des tournois pendant les huit semaines que durera la compétition à Riyad. Le club le plus performant sera nommé champion du monde des clubs pour la première fois. 

Les clubs seront annoncés prochainement.  Mais on se doute qu’au vue des dernières actualités de la Team Vitality et leur arrivée sur Starcraft II notamment, que la structure de l’abeille sera de la partie. 

Avec ce programme, l’Arabie Saoudite semble prouver que ces intentions de développer et pérenniser l’esport mondial sont bien réelles. 

La Team Falcons : le club de l’esport saoudien

Pour continuer son développement esportif, le royaume a pu aussi compter sur l’un de ses talents locaux : MSDossary, ancien champion du monde sur FIFA. Le joueur représentait la Team Falcons qu’il avait lui-même créé. Les financements à cette époque ne sont pas encore là, lors de son titre, il signe en occident pour devenir professionnel.

Cependant avec le projet Vision 2030, MBS décide de rencontrer le champion pour échanger au sujet de l’esport. C’est à partir de ce moment, qu’il semblerait, que tout va s’accélérer pour la Team Falcons avec pour objectif de devenir l’un des clubs majeurs dans le monde. Même si officiellement aucun financement de la part du pouvoir saoudien n’a été directement communiqué.
Et pourtant, à l’heure où j’écris cet article, la structure est présente sur : CS2, COD, Rocket League, EA FC 24, R6s, Fortnite, PUBG Mobile, Valorant, Mobile Legends, Dota 2, Overwatch. Une belle diversité ! 

Investissements stratégiques dans les éditeurs de jeux vidéo

Enfin, le PIF a également investi dans les éditeurs afin d’être présent dans l’ensemble de l’écosystème. Des acquisitions faites à la fin d’année 2020, 14,9 millions d’actions chez Activision, 7,4 millions chez EA et enfin 3,9 millions chez Take-Two pour un total de 3,3 milliards de dollars. 

En janvier 2023, le PIF a habilement accru sa participation dans le géant du jeu vidéo, Nintendo, atteignant 6,07%, avant de jouer un nouveau coup d’éclat récemment pour s’arroger 8,3% des parts, se positionnant ainsi en tant que principal actionnaire externe, surpassant même le fonds de pension gouvernemental japonais, d’après Bloomberg. Parallèlement, une enquête menée par Axios révèle que le fonds saoudien n’a pas chômé, renforçant discrètement sa présence au sein d’Electronic Arts (passant de 5,1% à 5,8%) et de Take-Two Interactive (de 5,3% à 6,8%), en s’offrant au passage 2 millions et 3 millions d’actions respectivement fin 2022.

Dans le même temps, le Savvy Games Group a opté pour un investissement de 265 millions de dollars dans le colosse chinois VSPO.  

VSPO est l’un des opérateurs esports chinois les plus importants. Leurs équipes s’occupent de l’organisation d’événements, la création de contenu marketing, l’incubation et la gestion de talents et le développement des infrastructures esportives. Ils sont en charge notamment des ligues suivantes : Honor of Kings (KPL), Game For Peace (PEL), Crossfire (CFPL), PUBG (PCL), PUBG (PGC), PUBG MOBILE (PMPL). (Source)

Vous reconnaissez le nom de ces jeux que l’on a vu plus tôt dans l’article ? Effectivement, l’Arabie Saoudite est en train de construire un cercle vertueux autour de son écosystème esport.

Le cercle vertueux des investissements saoudien dans l’écosystème esport

Pourquoi je vous parle de cercle vertueux ? En quoi consiste-t-il ? Et pourquoi l’Arabie Saoudite l’a mis en place ? 

En réalité, c’est assez simple. En 2020, quand l’Arabie Saoudite échoue son partenariat avec la LEC, le Royaume comprend qu’il va falloir une stratégie plus incisive pour envahir l’esport. Quoi de mieux d’être sur tous les fronts ? 

Ils ont des parts chez les éditeurs, leur propre équipe, leurs infrastructures, un programme pour aider les acteurs, la plupart des organisateurs de compétitions les plus connus et  la Coupe du Monde. Qui peut refuser l’Arabie Saoudite ? Personne.. sauf Riot Games qui l’aura fait au début mais qui commence à ouvrir les portes. 

Et quoi qu’il arrive, l’Arabie Saoudite gagne sur tous les fronts puisqu’ils sont présents sur l’ensemble des acteurs.

L’offre proposée par l’Arabie Saoudite est de fait incroyablement complète. Activision cherchait un nouvel opérateur pour gérer son esport. Alors on passe par les plus connus, surtout que désormais les plus connus ont des arguments encore plus forts : une possibilité d’intégrer leur jeu à la Coupe du Monde d’Esport avec un Cashprize délirant.

Quel éditeur qui n’arrive pas à gérer son esport depuis des dizaines d’années, qui n’arrivent pas à satisfaire sa communauté ne passerait pas par cette offre ? Personne. 

Quid des éditeurs esports les plus connus ?
Riot Games a annoncé envoyer deux équipes par ligue.

Valve avec CS2 et Dota2 ? L’éditeur laisse libre recours aux organisateurs de faire ce qu’ils veulent.

Et on a fait le tour. On pourrait parler d’EA ? Dont le Royaume a des parts. Le modèle que l’Arabie Saoudite a mis en place semble infaillible pour prendre le contrôle de l’esport mondial. C’est désormais à la communauté de choisir, même si le choix semble déjà fait .. 

Conclusion

Désormais, vous comprenez pourquoi l’Arabie Saoudite investit autant et comment ces derniers ont été réalisés. 

Toutefois, la question concernant le droit des femmes et des minorités demeure. La place de la femme évolue avec des avancées majeures mais la société reste encore très conservatrice. L’homosexualité est toujours traitée comme un crime grave.

Sur ces sujets, vous avez votre avis et il n’est pas question dans cet article de le questionner ou de le critiquer. Mais plutôt de rester sur l’aspect business et communicationnel, je m’explique :

Prenez l’exemple d’un club esport arborant fièrement les couleurs LGBT en juin, pour ensuite participer à l’Esport World Cup en Arabie Saoudite le mois suivant. Cette dualité peut-elle être perçue comme une forme d’hypocrisie, ou reflète-t-elle une complexité plus profonde dans les relations entre les valeurs sociales et le monde de l’esport ?

Peut-on envisager que la présence et la participation active dans ces événements contribuent, même modestement, à ébranler les mœurs conservatrices d’un pays ? Les clubs esport ont-ils le pouvoir, ou même la responsabilité, de promouvoir le changement social à travers leur engagement ? Et jusqu’où peuvent-ils aller sans compromettre leurs valeurs ou celles de leur communauté ?

Ces interrogations soulèvent un débat plus large sur le rôle de l’esport en tant que vecteur de changement social, juxtaposant les ambitions commerciales aux principes éthiques. Alors, est-il possible, ou même souhaitable, pour un club esport de boycotter une compétition en Arabie Saoudite ? Et quelle position devrait adopter la communauté esportive face à ces enjeux ?

Justement, toutes ces questions seront l’objet de mon prochain article. Je vous invite à donner vos avis dans les commentaires de l’article, cela sera très précieux pour la rédaction de celui-ci. Merci pour votre lecture. 

3 commentaires sur “Comment l’Arabie Saoudite est en train de devenir la capitale mondiale de l’esport”

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